Ce lundi, chacun devra se regarder en face. Le geste de Paul Bérenger place tout le MMM devant une alternative brutale : continuer à peser dans l’action gouvernementale ou assumer le choix de la loyauté. Pour les ministres comme pour les élus, l’heure n’est plus aux calculs feutrés. C’est un dilemme sans refuge, où chaque décision laissera une marque — sur les consciences comme sur l’histoire du parti.
Ce lundi 17 novembre, l’horloge politique se fige du côté de la rue Ambrose, à Rose-Hill. Devant le Comité central du MMM, convoqué par son leader, Paul Bérenger, se jouera une équation à multiples inconnues. Le Deputy Prime Minister sur le départ vient soumettre à l’instance suprême du parti son choix de quitter le gouvernement pour siéger comme simple backbencher. Une décision lourde de sens, qui ouvre la voie à un après incertain, où les ressorts psychologiques, les fidélités partisanes et les ambitions individuelles risquent de se télescoper.
Pour comprendre le mécanisme institutionnel du MMM face à une telle secousse, Le Défi Quotidien a sollicité plusieurs anciens dirigeants du MMM ayant traversé les tempêtes de 1983, 1993 et 1997. Tous l’affirment : cette réunion ne sera ni anodine ni mécanique. Au contraire, elle pourrait déterminer, en une seule séance, le futur du parti, son rapport au pouvoir et la place que Paul Bérenger occupera dans la vie politique jusqu’en 2029.
Scénario 1 – Le consensus, un atterrissage sans turbulence
Le cas le plus doux : Paul Bérenger expose en détail les raisons de son départ et appelle à la continuité ministérielle. « Je pars, vous restez. » Une manière de dissocier son choix personnel de celui du parti, sans bousculer l’alliance gouvernementale.
Pour un ancien ministre mauve : « Tout est bien qui finit bien. Tout le monde peut quitter la rue Ambrose avec un grand sourire. »
Dans cette hypothèse, le MMM reste uni au gouvernement, évite l’affrontement interne… et Paul Bérenger quitte l’exécutif dans un relatif milieu, ni énervant ni irritant.
Scénario 2 – L’embarras, chacun face à son propre miroir
Le leader, au lieu de désamorcer, renvoie chaque élu à sa responsabilité : « Je laisse chacun face à sa conscience et à sa responsabilité. » En d’autres mots : « Je pars. Qui m’emboîtera le pas ? »
Ce sera un coup de tonnerre dans la salle. Les élus doivent se positionner publiquement : suivre le leader par loyauté militante ou rester au gouvernement par sens du pragmatisme – voire assumer leur part du contrat avec les électeurs.
« Ce sera une situation cocasse qui donnera des sueurs froides aux élus qui ne savent pas trop sur quel pied danser. Ce sera moins compliqué pour ceux qui ont déjà pris leur décision et qui ont le courage de l’exprimer », commente un ancien dirigeant.
Un test frontal du courage, ou de la prudence.
Scénario 3 – La discipline partisane en arbitre absolu
L’escalade survient si un membre exige que l’ensemble des 78 votants se prononcent : solidarité totale avec le leader. Alors, c’est l’institution – pas les consciences – qui tranche.
« Si la majorité des membres optent pour suivre le leader, il ne fait pas l’ombre d’un doute que tous les ministres et autres Junior Ministers mauves doivent démissionner. De facto, le MMM se retire de l’Alliance du Changement. Ceux qui décideront de rester au gouvernement seront taxés de transfuges », prévoit un ex-cadre du parti.
Dans cette version, la rupture avec l’Alliance du Changement devient automatique. Le MMM sort du gouvernement, avec toutes les tempêtes qui s’annoncent.
Scénario 4 – Le soutien ambigu ou le revers symbolique
Plus complexe encore : la majorité soutient Paul Bérenger… mais vote le maintien au gouvernement. Un double message : on aime le leader, mais on aime le pouvoir aussi. « Ce serait un deuxième revers pour Paul Bérenger, après celui du Bureau politique », analyse un ancien parlementaire.
Le vétéran pourrait alors jouer sa dernière carte : convoquer l’Assemblée des délégués – près de 500 membres – dont la Constitution du MMM reconnaît la primauté décisionnelle. « Ce sera très lourd de sens. Un deuxième revers à Paul Bérenger après le Bureau politique. Cependant, il pourra essayer de se racheter avec la troisième option, avoir recours à l’Assemblée des délégués qui compte environ 500 membres. D’après la constitution du MMM cette plus haute instance du parti a le pouvoir de valider ou d’annuler les décisions du Bureau politique et du comité central », déclare un interlocuteur.
Dans un parti qui a passé vingt ans sur les bancs de l’opposition, la tentation de rester dans les sphères du pouvoir serait politiquement compréhensible. « Après deux décennies passées dans l’opposition, on peut s’attendre à ce que des délégués optent pour que le MMM reste au gouvernement. D’autant plus qu’il n’y a aucune certitude que le MMM retournera au pouvoir en 2029 sachant que fort probablement Paul Bérenger ne sera pas candidat », déclare un ancien député du MMM qui a été témoin des cassures de 1983, 1993 et 1997.
Un lundi sous haute tension
Quelle qu’en soit l’issue, la séance de ce lundi fera date. Elle décidera :
- du rôle de Paul Bérenger dans les années qui viennent,
- du destin gouvernemental du MMM,
- et de l’unité – ou non – d’un parti encore marqué par les fractures d’hier.
Au-delà des procédures internes, une vérité s’impose : le MMM, en accédant enfin au pouvoir après si longtemps, se retrouve aujourd’hui confronté à l’épreuve la plus redoutable du pouvoir lui-même. Entre fidélité au leader, fidélité au gouvernement et fidélité au parti, chaque élu devra choisir la boussole qu’il estime la plus juste.
Ce lundi, les mauves écriront une nouvelle page de leur histoire. Reste à savoir si ce sera une page de courage… ou une page de coloriage politique, où chacun essaie juste de ne pas dépasser les lignes du pouvoir.
Des militants monteront au front
Demain, la rue Ambrose ne sera pas qu’une adresse : elle deviendra un véritable baromètre politique. Dans l’après-midi, des militants mauves commenceront à se masser aux abords du Comité central, visiblement incapables de rester spectateurs d’un moment aussi décisif. D’un côté, les fidèles inconditionnels de Paul Bérenger viendront défendre « leur » leader, celui qu’ils suivent depuis des décennies, sans calcul et sans détour : « Nou pou res ar li ! », entendra-t-on. Pour eux, soutenir Bérenger n’est pas un choix stratégique : c’est une question d’honneur.
Face à eux, un autre courant mauve se mobilisera avec la même ardeur, mais une autre logique : « Enn lokazion koumsa pa pou retourne vit ! » Ils veulent que le MMM reste au gouvernement, que le parti assume enfin les responsabilités chèrement conquises après vingt ans d’opposition. Ils craignent que l’histoire ne se répète, encore une fois, dans un cycle épuisant de ruptures et de regrets.
Entre ferveur et frustration, demain, la rue parlera aussi fort que la salle. Le cœur mauve battra à deux rythmes, et le moindre cri pourrait résonner comme un avertissement.
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