Cédric de Spéville, CEO d'Eclosia, incarne cette nouvelle génération de leaders mauriciens qui allient vision stratégique, sens humain et audace tranquille. Entre décisions à fort impact et passion pour l’innovation, il se distingue par une approche moderne du leadership, fondée sur l’écoute, la transmission et la capacité d’inspirer ceux qui rêvent de bâtir, comme lui, leur propre trajectoire. Portrait d’un CEO qui parle aux jeunes — avec simplicité, franchise et une énergie qui donne envie d’oser.
Si vous deviez résumer votre parcours en trois mots, lesquels choisiriez-vous ?
Équilibre. C’est une notion qui par définition sous-entend une certaine subjectivité, mais qui pour moi est important. Équilibre personnel. Équilibre entre vitesse et rigueur. Équilibre entre centralisation et décentralisation. Équilibre entre exigences et bienveillance… Je dois tous les jours prendre des décisions quant à l’endroit où je place le curseur. Ce n’est jamais blanc ou noir, et je trouve ça passionnant. Trouver le « sweet spot » en fonction des circonstances.
Utilité. Un mot bien terre-à-terre, mais j’essaie de me poser tous les jours cette question par rapport aux projets que j’entreprends : est-ce utile ? pour qui ?
Plaisir. Je pense qu’il est impossible de tenir la distance si le trajet n’est pas plaisant. C’est important de prendre plaisir au travail, à ce qu’on fait, aux interactions qu’on a. C’est important de mettre en place les conditions pour que cette satisfaction de l’accomplissement soit accessible à tous dans notre organisation.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de rejoindre Eclosia et de contribuer à l’histoire du groupe ?
Je suis né dedans et j’ai vécu et vu l’importance de l’action des équipes ainsi que leur contribution au développement de Maurice. On est un groupe profondément enraciné dans chaque lieu et communauté où on opère ; à Maurice évidemment, mais aussi à Madagascar, au Kenya, au Rwanda…
Depuis toujours, j’ai été frappé par le fait que ce qui compte pour nous ce n’est pas simplement ce que l’on fait mais aussi et surtout COMMENT on fait les choses. Pouvoir toucher positivement et quotidiennement les familles mauriciennes (et au-delà !) – travailler « avec et pour » elles, leur être utile c’est ce qui me motive vraiment !
Quel a été le moment décisif de votre carrière qui vous a préparé à ce rôle de CEO ?
Difficile de répondre. Je pense qu’on n'est jamais totalement prêt... D’ailleurs, je continue de me remettre en question tous les jours. Mais c’est clair que pour pouvoir prendre les rênes, il faut se sentir soutenu…. Et pas simplement par les décideurs, mais aussi et surtout par l’organisation. Ça a été le cas pour moi assez rapidement. On a des équipes et des leaders exceptionnels – et ce n’est pas de la langue de bois.
Comment décririez-vous votre mission à la tête d’Eclosia : un devoir, un engagement ou une passion ?
Je vous dirais que c’est une grande fierté de se sentir utile et de pouvoir contribuer à l’avancement de projets importants à mes yeux. Responsabilité. Transmission, impact positif… Je n’ai pas un caractère « passionné », mais quand j’entreprends quelque chose ou quand je suis convaincu de quelque chose je vais au bout, sans rien lâcher. D’ailleurs on se répète souvent ça chez Eclosia, « On ne lâche pas ce en quoi l’on croit ! ». Quand on fait bien les choses, on finit toujours par arriver là où l’on veut – et si ce n’est pas le cas, c’est sans regret !
Eclosia est un groupe profondément enraciné dans le quotidien des Mauriciens. Comment conjuguez-vous cet héritage avec une vision résolument moderne ?
Pour moi, il n’y a pas d’opposition entre ces deux mots. Innovation continue. L’innovation est souvent vue comme technique ou technologique – et c’est souvent celles-là qui font le plus de bruit et qui sont les plus disruptives. Mais il y a aussi de l’innovation dans la manière de faire les choses, dans les approches de marché, dans la façon d’accompagner des besoins sociaux. Faire les choses différemment, en y croyant.
Quel projet récent du groupe vous rend particulièrement fier, et pourquoi ?
C’est sincèrement difficile de choisir car ce sont souvent les plus petites choses – comme par exemple avoir réussi à réorienter la carrière et le développement d’un collègue ou encore une convention annuelle Eclosia Next réussie – qui procurent les meilleures émotions. Mais si je prends du recul et regarde l’impact, je dirai que c’est la structuration et l’accélération de notre développement international. Nous avons aujourd’hui des opérations importantes à Madagascar, au Kenya, au Rwanda, en Afrique du Sud ou encore aux Seychelles. Encore beaucoup à faire et à consolider, mais on a clairement passé un cap important, ce qui redéfinit les contours de notre groupe et impacte nos équipes et nos stratégies.
Quels sont les essentiels pour diriger une organisation aussi vaste et diversifiée qu’Eclosia ?
Déjà garder la tête froide. Ce que vous décrivez comme vaste localement n’est pas bien grand à l’échelle globale. Je pense souvent à Brassens avec sa chanson « Trompette de la renommée… ! », je vous laisse deviner la suite. Ensuite, ne jamais oublier les fondamentaux : la femme et l’homme sont à la base de tout ! Agir avec une vraie honnêteté, personnelle, relationnelle – pas celle qu’on affiche dans les beaux rapports.
Avoir du temps - pas facile ! - mais essentiel, pour écouter, comprendre, développer des relations. Être curieux et avoir envie de comprendre. Et finalement s’il y a une qualité qui a mon sens est essentielle : chercher des solutions, et non pas des prétextes ou des excuses.
Dans un secteur en constante évolution, comment reste-t-on inspiré et agile ?
En ayant des collègues, à tous les niveaux, qui ont des idées et qui challengent le statu quo. En étant curieux, en lisant, en écoutant. Ça c’est pour la partie inspiration. Je dois dire que les idées ne manquent pas...
C’est souvent plus compliqué d’être agile… Je vous parlais d’équilibre plus haut. Équilibre entre procédures essentielles et agilité, qui plus est dans des secteurs différents, dans des pays différents… Au final, pour moi, cela fonctionne quand on a des équipes qui comprennent pleinement ce pour quoi on se bat, ce qu’on veut construire ensemble et qui souhaitent y participer.
Quelle place occupe l’innovation dans votre stratégie globale pour les années à venir ?
C’est un mot un peu fourre-tout, mais l’innovation est bien au centre de toutes nos préoccupations avec des questions simples et des réponses parfois compliquées : qu’est-ce qu’on peut faire différemment, plus simplement ? Pour qui ?
Quels défis majeurs doivent être relevés pour assurer un développement durable et responsable à Maurice ?
Plus de production locale. Plus de création locale. Pour tenir sur nos deux jambes. Pour combler le déficit commercial. Pour offrir des jobs qui ont du sens à nos jeunes comme à nos moins jeunes ! Un dialogue encore plus structuré entre le public et le privé pour dessiner une trajectoire pérenne. Il faut que nous ayons un projet national : que veut-on devenir ? Veut-on copier Singapour ? Pourquoi ? Il nous faut remettre la perspective du long terme sur la table pour pouvoir entrainer tout un pays… surtout sa jeunesse. Sans envie de contribuer à quelque chose en quoi on croit, on devient facilement égoïste, et on agit à court terme…
Il faut reprendre le temps de se parler, de se comprendre. La violence dans notre société est palpable… et c’est dommage parce qu’on a tellement de choses en commun, tous… et tant de projets à construire ensemble. On ne peut pas oublier que sur notre petite île, on est vraiment tous dans le même bateau. On doit être responsables… et certains plus que d’autres, car je reconnais qu’avec le succès vient aussi la responsabilité !
Enfin la gouvernance : oui, c’est sans doute un mot galvaudé et bien trop utilisé à tort et à travers mais, pour moi, tout part de là. Encore une fois, je ne parle pas de la gouvernance que l’on peut trouver dans les beaux rapports – mais de ce qui nous guide : la sincérité, la vérité. La bonne gouvernance, au sens large, est le socle le plus important.
Comment imaginez-vous l’avenir d’Eclosia dans les 10 prochaines années ?
Je veux imaginer... Un groupe qui a gardé ses fondamentaux, son Cœur qui bat. Un groupe qui aura continué à se moderniser tout en restant fidèle à son identité et qui se sera développé de manière encore plus importante à l’international – en créant de la valeur ajoutée « avec et pour » les populations locales.
Qu’est-ce qui vous motive le plus lorsque vous démarrez votre journée ?
L’idée de rencontrer des gens qui portent des solutions ! Et ces petites choses comme la qualité de l’accueil reçu quand je passe la réception du bureau, le sourire ou la petite phrase sympa de mes collègues… ça me relaxe et me reconnecte à l’essentiel, le lien entre les gens.
Quel est le meilleur conseil de leadership que quelqu’un vous ait transmis ?
« La vérité se vit, elle ne se dit pas ». C’est une des phrases fétiches de mon père Michel de Spéville, qui a tellement de sens : être vrai dans ses relations, ses intentions, ses actions – et « faire » plutôt que prononcer de longs discours. L'être plutôt que le paraître.
Deuxième conseil que je me suis construit au fil des rencontres, c’est qu’il est finalement souvent facile d’avoir raison… mais « so what ? ». À quoi ça sert d’avoir raison si ça ne fonctionne pas ? So what ? Le véritable objectif, c’est de savoir comment convaincre, faire aboutir, embarquer l’équipe, le public… Encore une fois la différence entre le discours et l’action.
Et quel conseil aimeriez-vous aujourd’hui transmettre à la jeune génération mauricienne ?
Ne laissez pas tomber ! Ça vaut tellement la peine de construire des choses qui ont du sens. Je vois bien que nous sommes à Maurice dans un cycle où le récit national est un peu en panne et où cela crée pas mal d’individualisme, de matérialisme, où le curseur de la « réussite » est souvent mal placé, et c’est dommage. Mais n’oubliez jamais qu’on est tous acteurs, et que le « pa mwa sa li sa » ne mène nulle part. Oui, on a tous les jours des raisons de s’indigner, d’être critiques – et il faut rester indignés, surtout pas endormis ! Mais encore une fois « so what » ? Qu’est-ce que je fais, moi, à mon échelle, pour que les choses changent ?
Qu’est-ce qui empêche encore certains jeunes Mauriciens de rêver plus grand ?
Je ne crois pas que les jeunes Mauriciens rêvent petit... J’ai l’impression que beaucoup de jeunes Mauriciens, quand ils rêvent grand, ils rêvent grand ailleurs, ça concerne des projets en dehors de Maurice… Ce qui n’est pas malsain en soi – au contraire, ça étend notre rayonnement et notre « diplomatie économique », mais on aimerait que plus de jeunes rêvent grand « avec et pour » Maurice. Et ça c’est notre responsabilité à tous – et la mienne en particulier en tant que dirigeant d’un groupe : offrir des perspectives, ouvrir les possibles, mettre en relation, accompagner les entrepreneurs....
Comment Eclosia accompagne-t-il la jeunesse en matière d’emploi, de formation et de développement de compétences ?
On a mis en place pas mal de dispositifs pour s’assurer qu’on attire les talents, qu’on puisse les faire grandir et qu’on veille à la transmission. Aujourd’hui, il ne suffit pas d’attendre que les jeunes viennent vers nous parce qu’ils connaissent notre réputation. Il faut aller vers eux, les rencontrer, les écouter, présenter qui nous sommes, nos métiers et nos savoirs-faires, les carrières possibles au sein du groupe à Maurice et dans la région.
Au niveau de nos entreprises, on multiplie les ‘talks’, les ‘career fairs’ dans les universités et les organismes de formation mais aussi directement sur le terrain, dans les régions. Les activités de Charles Telfair Education et de Vatel nous permettent d’être en contact direct avec les étudiants, les conférences et les recherches menées par le Charles Telfair Center de les inspirer.
Une fois entrés chez Eclosia, comment les retenir ? En leur permettant de grandir, d’apprendre et de collaborer avec d’autres talents. Notre Group Talent Manager a construit avec différentes équipes des programmes qui servent à faire littéralement éclore les potentiels de nos jeunes et des moins jeunes aussi ! Pour n’en citer que quelques-uns : l’école industrielle pour perfectionner les techniciens, des programmes de management et de leadership comme le LEAD ou Pinnacle qui permettent chaque année à une quarantaine de managers venus de toutes le entreprises d’Eclosia de se connaître et de développer leurs compétences. Mais aussi des formations ad hoc, l’accompagnement en mentoring ou en coaching.
L’an dernier, nous avons voulu avoir une attention particulière sur la GenZ en créant le Youth Management Lab afin d’avoir ces échanges en direct entre cette jeune génération et moi. Pendant un an, une dizaine de jeunes des entreprises d’Eclosia me rencontrent à intervalles réguliers pour parler de sujets transversaux au groupe. Cela leur permet de poser toutes les questions qu’ils souhaitent sur différents aspects du management ou sur la culture du groupe et de faire des propositions. Et moi, j’apprends à mieux cerner leurs besoins, comprendre leur vision du monde et les ponts que nous pouvons construire ensemble.
Quels sont les défis personnels que vous avez dû surmonter pour devenir le leader que vous êtes aujourd’hui ?
Déjà, je répète que je n’ai absolument pas l’impression d’être à destination, je ne suis pas devenu ... J’évolue chaque jour ! L’important, c’est de rester dans l’action et surtout de ne pas vouloir être parfait ou donner une image qui n’est pas qui on est. C’est vrai qu’avec les formations en leadership ou la communication tapageuse des succès de tel ou tel leader on peut avoir tendance à se comparer, à vouloir imiter, même inconsciemment… alors qu’au final notre plus grande force à tous, c’est qui on est vraiment !
« Être soi-même tout en prenant le maximum de feedback pour avoir un impact positif sur les autres » est probablement un des conseils les plus importants.
Comment restez-vous connecté au terrain et aux équipes qui font vivre chaque entité du groupe ?
C’est un de mes plus gros challenges. On a mis en place, au fil du temps, différents forums récurrents à différents niveaux. Ce sont des forums de communication, de rencontre, de présentation… On a aussi au sein du groupe une cellule Art, Culture et Sport qui permet de rencontrer beaucoup de collègues dans des environnements différents : spectacles musicaux, compétitions sportives, ateliers de réflexion… Mais ce n’est pas suffisant. J’aimerais être plus proche mais avec plus de 200 sites à Maurice, à Madagascar, au Kenya, au Rwanda, au RSA et aux Seychelles, c’est logistiquement impossible pour moi. J’essaie de planifier au mieux car je sais que rien ne remplace le contact humain, le face-to-face.
Nous croyons beaucoup dans le concept de management participatif et à l’importance de l’écoute active à tous les niveaux. Cela non seulement pour savoir comment vont nos collaborateurs, quelle est l’ambiance, etc. mais aussi pour remonter des idées d’amélioration de process, de choix d’équipement etc.
Bien sûr, nous avons aussi mis sur pied des architectures de communication importantes, avec des comités, des rencontres récurrentes, des outils à différents niveaux de nos entreprises. L’objectif est de pouvoir continuer à se parler directement sans entraves.
En tant que CEO, comment gérez-vous la pression, le rythme et l’ampleur des responsabilités quotidiennes ?
En me disant que quoi qu’il arrive, je ne pourrai jamais tout faire, et que c’est ok. Pas facile... Mais le concept de « let go » est très important. En gardant un équilibre strict sport, famille etc. Et soyons clairs, je ne me sens pas exceptionnel quand je vois certains de mes collègues (et de très nombreux Mauriciens) jongler entre leurs différentes responsabilités familiales, sociales et professionnelles.
Si vous pouviez laisser un message aux jeunes qui espèrent un jour diriger une grande entreprise mauricienne, quel serait-il ?
Posez-vous la question de savoir si vous avez ce souhait pour les bonnes raisons. Statut ? Argent ? Influence ? Impact ? Soyez clairs quant à vos motivateurs. Ensuite, écoutez-vous et foncez.
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