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Hissen Caramben et Vidoushee : entre barrières et préjugés, ils ont choisi de s’aimer

Le couple s’est marié le 6 décembre dernier.

Malgré les différences de religion, les barrières sociales et les regards pesants, Sivaraj Caramben et Vidoushee ont choisi de s’aimer. Leur parcours, semé d’obstacles et de remises en question, se conclut par un mariage célébré comme un manifeste de courage et de liberté.

Plaine-Verte, sous un soleil de plomb. Sivaraj Caramben – Hissen pour les intimes – est à genoux, pieds nus dans la poussière, en train de laver des voitures chez son oncle. La sueur coule. L’odeur de diesel s’incruste dans la peau. Ses vêtements disent l’effort, la fatigue, l’acharnement.

Une silhouette apparaît. Talons. Cheveux parfaitement brossés. Une élégance calme qui détonne avec le décor. Vidoushee – « Vids » pour les proches –  s’assoit près de lui, sans distance, avec son McDo à la main. Comme si la crasse n’existait pas. Comme si la société et ses hiérarchies n’avaient plus aucune prise. À ce moment-là, Sivaraj comprend : elle est différente. Pas seulement par sa présence. Par ce qu’elle autorise. Par ce qu’elle refuse de juger. 

Cette scène, devenue mythique dans l’histoire de leur couple, résume tout ce qui va suivre. Les obstacles. Les choix. Le courage. Et finalement, le mariage célébré le 6 décembre 2025, dans une salle où les saris azurés se mêlaient aux rires. Un mariage qui n’est pas seulement l’union de deux personnes, mais un manifeste. Celui d’un couple qui a choisi d’aimer malgré les frontières : différences de religion, barrières sociales, regards pesants et traditions bien ancrées.

« Le Facebook »

Mais pour en arriver là, il a fallu traverser bien des tempêtes. Tout commence en 2014, avec ce que Sivaraj appelle encore aujourd’hui, dans un sourire qui masque à peine l’émotion : «  Un complot familial. » Un simple message sur Messenger, envoyé par des proches qui avaient flairé quelque chose avant lui. Un clic timide, presque anodin. « Le Facebook », comme on disait à l’époque avec une pointe d’ironie et une innocence désuète.

Sivaraj et Vidoushee deviennent amis. Puis elle l’invite à son anniversaire. Rien de spectaculaire : une fête comme il en existe tant. Mais parfois, ce qui change une vie tient à des gestes minuscules, presque invisibles. Après cette soirée, les conversations s’enchaînent. D’abord espacées, puis régulières, puis essentielles. Les sentiments suivent. Ils débordent. Ils s’imposent.

Ce qui l’attire chez elle, ce n’est pas l’apparat ni l’assurance feinte que beaucoup se fabriquent pour masquer leurs peurs. C’est l’inverse : une simplicité désarmante. Pas de maquillage. Une présence douce. Une façon d’écouter réellement. Et ce sourire, avec ses petites dents légèrement décalées, qui rend tout plus chaleureux, plus humain, plus vrai. Cette sincérité-là, il ne la croisera pas souvent.

À ce moment de sa vie, Sivaraj cumule les petits boulots pour tenir debout. Marchand ambulant. Laveur de voitures. Étudiant en culture allemande le soir. Poches vides, mais volonté pleine. Elle, de son côté, étudie à l’université. Deux mondes qui se croisent par hasard – et qui, très vite, se heurtent. Car la vie, elle, juge. Elle jauge. Elle découpe.

Les premiers obstacles

Les premiers obstacles surgissent sans surprise. Elle est chrétienne. Lui, tamoul. Et les communautés, à Maurice, savent ériger des frontières. Parfois avec douceur, parfois avec brutalité. Les regards s’alourdissent. Les murmures se transforment en sentences. Les « ça ne marchera jamais » se répandent comme des gifles données à voix basse. Leur belle histoire vacille. Une séparation s’installe. Presque inévitable. Presque programmée.

Les différences de croyance, de statut, de milieu social deviennent autant de murs qu’on leur intime de respecter. Lui, enfant de cité, forgé par les réalités urbaines, par les drames qu’il a trop souvent croisés dans la rue comme dans la police. Elle, issue d’un univers où l’avenir semble plus stable. La ligne de fracture se creuse. C’est à ce moment-là que beaucoup auraient abandonné. Par fatigue. Par loyauté aux traditions. Par peur de décevoir. Mais Sivaraj Caramben n’a jamais été du genre à plier.

Il le dit sans détour : il est sans religion. Non pas sans valeurs, mais sans cloison. Il s’attache aux humains, pas aux institutions. Il croit à l’amour, pas aux clans. Ce positionnement lui coûte parfois, mais il le revendique. Car si l’humain doit s’élever, ce n’est pas en renforçant les murs, mais en les traversant. C’est précisément là que résonne l’appel qu’on devrait tous entendre : « Arrêtez d’avoir peur de ce que la société va dire. On nous a trop dicté quoi faire, et avec qui se marier… La fierté familiale, oui. Mais êtes-vous heureux ? Bâtissez pour vous, car vous êtes l’avenir. »

Après la rupture, chacun s’effondre. Puis chacun se relève. Ils se questionnent. Ils réévaluent. Ils redeviennent possibles. Jusqu’au moment où Sivaraj comprend que l’amour n’est pas qu’un sentiment : c’est une décision. Et parfois, cette décision demande un acte de courage. Alors il dit, presque comme un serment : « On va le faire. Un mariage chrétien… à la sauce tamoule. »

Cette phrase, elle claque encore dans sa mémoire. Parce qu’elle porte tout : la conciliation, le refus des frontières, la tendresse, l’entêtement. Ce mariage n’est pas une concession, encore moins une reddition. C’est une invention. Une cohabitation. Une réponse à un monde qui divise trop vite.

Une nouvelle page

Sans pression, sans renier leurs identités, sans changer de religion ni céder à la moindre démagogie, le mariage a été célébré. Libre, hybride, fidèle à ce qu’ils sont. Une cérémonie qui n’exigeait ni renoncement, ni conversion, mais seulement la sincérité de deux personnes décidées à s’aimer à égalité. Sivaraj, depuis toujours, parle d’humanisme. Mais cette fois, il veut l’incarner. Il se dit que personne ne devrait briser l’amour. Lui et elle le décident : ils choisiront la personne, pas la religion. La présence, pas le statut. Le réel, pas la pression.

Le mariage devient alors plus qu’une fête. C’est un point de départ. Dans les images, on le voit danser avec sa sœur, dans une scène où la joie déborde du cadre. Les tissus brillent. Les gestes s’élancent. Les sourires s’embrasent. Le temps se suspend. C’est la preuve que malgré les déchirures, malgré les obstacles, malgré les lignes qui séparent, il existe toujours des endroits où la vie recommence.

Aujourd’hui, à 33 ans, à ses côtés une femme de 31 ans qui n’a jamais cessé de croire en eux, Sivaraj se dit prêt. Prêt à créer. Prêt à bâtir. Pas seulement pour eux, mais pour l’avenir. Pour propager des valeurs qu’il estime vitales : l’amour, l’humanisme, la gratitude, l’empathie. Pour défendre une société qui prône la paix plutôt que la division. Une société où l’on choisit d’être ensemble à tous les niveaux, pas seulement dans les cérémonies ou les photos, mais dans les choix, les renoncements, les projets.

Et pour écrire cette nouvelle page, il fallait d’abord tourner l’ancienne. Le 8 décembre 2025, deux jours après son mariage, Sivaraj Caramben a officiellement démissionné de la force policière. Une sortie marquante : il avait commencé sa carrière par une parade… il l’a terminée de la même manière. Un symbole. Une boucle fermée. Une page tournée avec honneur.

Pour Sivaraj Caramben, l’histoire ne fait que commencer. Mais elle porte déjà en elle une vérité essentielle : les plus belles histoires exigent des épreuves. Et sans épreuves, on n’apprend rien.

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