Fixée à Rs 635 pour les employés touchant moins de Rs 50 000, la compensation salariale devra être versée dès janvier. Si les PME ne remettent pas en cause ce droit des travailleurs, elles tirent toutefois la sonnette d’alarme sur leur situation actuelle et demandent un soutien de l’État pour pouvoir honorer cet engagement sans mettre leur survie en péril.
Amar Deerpalsing, président de la Fédération des PME : «Les entrepreneurs ont besoin d’un soutien technique et financier»
Si la compensation salariale a été calculée en tenant compte de l’inflation, le montant à verser reste néanmoins une charge supplémentaire pour les PME, explique Amar Deerpalsing, président de la Fédération des PME. « La masse salariale va s’alourdir davantage. Avec l’obligation légale de verser cette nouvelle base salariale, il est absolument nécessaire de trouver des moyens pour augmenter la productivité afin de rester compétitif », soutient-il.
Il met en garde contre le risque d’une spirale inflationniste prolongée, comme observée ces deux à trois dernières années. « L’augmentation des salaires poussera les opérateurs à revoir leurs marges à la hausse pour absorber ces coûts, ce qui entraînera une flambée des prix et renforcera l’inflation », souligne-t-il.
Pour faire face à cette situation, Amar Deerpalsing recommande au gouvernement d’aider les PME à travers un soutien technique et financier. « Il faut augmenter la productivité, non pas en demandant aux employés de travailler plus, mais en travaillant mieux, grâce à des machines et outils modernes. L’équipement acheté doit permettre de produire plus et une formation adéquate est indispensable pour assurer la maintenance et l’utilisation optimale de ces outils. Reste à trouver les financements nécessaires pour ces investissements et c’est là que le gouvernement doit jouer un rôle clé », suggère-t-il.
Maya Sewnath, vice-présidente de SME Chambers : «Aider les PME à payer la compensation comme c’était le cas ces dernières années»
Maya Sewnath, vice-présidente de SME Chambers, note que le gouvernement a fait la part des choses a su équilibrer la situation. « Les employés bénéficieront d’une compensation ajustée en fonction du taux d’inflation », rappelle-t-elle. Cependant, elle souligne que les entreprises, en particulier les PME, traversent depuis trois ans une période extrêmement difficile, accentuée par la crise du Covid.
Elle insiste sur la difficulté grandissante pour ces entreprises de supporter les charges salariales. « L’augmentation du salaire minimum, la relativité salariale, le versement du 14e mois, ainsi que les contributions sociales telles que la Contribution Sociale Généralisée (CSG) et le Portable Retirement Gratuity Fund (PRGF), pèsent lourdement. Beaucoup de PME peinent désormais à assumer ces coûts et rencontrent des difficultés pour payer leurs salariés », affirme-t-elle.
Maya Sewnath appelle le gouvernement à apporter un soutien financier ciblé. « La situation reste critique. Les acteurs économiques ont déjà beaucoup contribué par le passé et continueront à le faire dans le futur. Il est essentiel que le gouvernement accorde une aide pour permettre aux PME de faire face à cette compensation salariale, comme c’était le cas ces dernières années », conclut-elle.
Kalyanee Hurry, fondatrice et directrice de Flavours of Mauritius : «Des incitations soulageront les PME»
« La compensation salariale doit être payée et on le fera. Mais, par exemple, payer Rs 635 par mois pour plus d’une dizaine d’employés représente une somme importante. Surtout que beaucoup de PME sont en mode survie actuellement avec les matières premières qui augmentent et d’autres frais qui grimpent », avance Kalyanee Hurry, fondatrice et directrice de Flavours of Mauritius.
Elle s’interroge sur la manière de récupérer ces coûts. « Si on augmente les prix, les consommateurs ne vont pas acheter nos produits. On ne peut pas toujours augmenter les prix. Du coup, c’est sur nos marges qu’on devra faire les ajustements », souligne-t-elle.
Kalyanee Hurry insiste sur la nécessité de trouver des solutions concrètes. « Bien sûr, on est d’accord que le coût de la vie augmente et qu’il faut payer la compensation, mais, en tant que PME, comment faire pour récupérer ces coûts ? Nos profits diminuent alors que nos frais augmentent, comme l’électricité qui est très chère », fait-elle ressortir.
L’entrepreneure appelle à un soutien gouvernemental : « Il faut que le gouvernement nous soutienne et trouve des solutions pour aider les PME à faire face à ce nouveau coût. Il faudra des incitations. Par exemple, l’électricité coûte trop cher, il faudrait une solution à ce niveau ».
Kalyanee Hurry propose également d’autres mesures. « Nous travaillons avec les grandes surfaces sur un système de crédit. Ce qui comporte des frais bancaires. S’il y avait des règlements pour être payé directement, les PME seront soulagées sur certaines charges », recommande-t-elle.
Dev Santchurn, directeur de Julien R : « Que le GM s’engage à acheter un certain pourcentage de produits locaux »
Dev Santchurn, directeur de Julien R, souligne les difficultés majeures rencontrées par les PME. « Même si le gouvernement a donné une compensation de 3,7 %, pour les PME c’est très difficile. Les augmentations successives des salaires, le versement du 14e mois, ainsi que la hausse de tous les intrants et des coûts du fret rendent la situation compliquée », fait-il ressortir.
Il explique que le coût de production ne cesse d’augmenter, alors que la vente diminue, ce qui met en danger la survie des PME. « Beaucoup de PME sont menacées et risquent de disparaître. Les ventes diminuent et il est difficile de faire face à la concurrence déloyale des pays asiatiques », ajoute-t-il.
Dev Santchurn recommande donc au gouvernement d’accorder un soutien financier. « Nous demandons au gouvernement d’aider financièrement les PME pour qu’elles puissent payer la compensation », préconise-t-il. Autre suggestion : le gouvernement pourrait aussi jouer un rôle important en s’engageant à acheter un certain pourcentage de produits locaux. « Cela soutiendrait les fabricants locaux. Cela apportera une forme de discrimination positive envers les entrepreneurs locaux en cette période difficile », avance-t-il tout en ajoutant qu’une telle mesure permettrait aussi au pays de conserver une partie de ses devises.
Ajay Beedassee, président de SME Chambers : « Enlevez le fardeau du Wage Assistance Scheme »
« Il n’y a aucune objection à payer la compensation. Ce qu’on demande, c’est un allègement des charges, notamment la suppression de certains prélèvements comme le Government Wage Assistance Scheme, comme cela a été le cas pour l’hôtellerie », avance Ajay Beedassee, président de SME Chambers.
Pour lui, ces mesures permettraient de soulager les PME : « En allégeant ces charges, on enlèvera un poids et cela permettrait aux PME de mieux gérer leurs coûts ». Il insiste aussi sur les difficultés rencontrées par les commerçants et industriels : Par exemple, dans le secteur du prêt-à-porter, les magasins font moins de ventes poussant les usines à produire moins. « Il y a une concurrence déloyale avec les produits importés », déplore-t-il tout en regrettant la lenteur des institutions comme la SME Mauritius et la douane face à ces problématiques. « Nos requêtes restent sans réponse », se désole-t-il.
Ajay Beedassee alerte au passage sur la fuite des devises. « Chaque produit importé représente des devises qui sortent du pays, ce qui affaiblit l’économie locale. Il est urgent d’agir pour soutenir la production locale et préserver nos devises », conclut-il.
125 000 PME dans le pays
Maurice pays compte environ 125 000 PME. Elles contribuent à environ 40 % du Produit intérieur brut du pays et représentent 56 % des emplois.
Le dossier des PME bientôt au Parlement
Reza Uteem, ministre du Travail, a déclaré vendredi dernier que le gouvernement a pris en compte les doléances exprimées par les PME autour de la compensation salariale. « Le ministre des PME travaille activement sur ce dossier, qui sera soumis au Cabinet prochainement », a-t-il indiqué. La question sera abordée au Parlement.
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